Stewart Island

Port Pegasus, février 2023

cap sur Port Pegasus

Loïc a longtemps rêvé, de se rendre un jour à Port Pegasus, dans cette rade bien protégée qu’avait choisi Yves Parlier en 2001 pour s’abriter et réparer  : son monocoque avait démâté pendant l’édition 2020 du Vendée Globe, 

En 10 jours, grâce à ses compétences de marin et d’ingénieur, et à son obstination, il avait réussi l’exploit de réparer seul son mat en carbone, allant jusqu’à confectionner un four, et en s’aidant de multiples palans. Nous avons retrouvé cette histoire, qui a fait l’objet d’un documentaire. 

Plus tard, le récit et les images des quelques navigateurs qui s’aventurent au sud du sud de la Nouvelle-Zélande, lui avaient fait entrevoir des paysages granitiques impressionnants, blocs de plus de 300 mètres de haut, accessibles en randonnée. 

Nous voilà donc à quitter le Paterson Inlet, où nous venons déjà de passer 8 jours fantastiques, et dont j’ai fait le récit en deux posts : Stewart Paterson Inlet 1 et Stewart Paterson Inlet 2

Sur cette petite navigation à la journée, les animaux marins sont au rendez-vous :

Albatros qui s’évertuent à nous coller de près…. derrière comme devant le bateau….

nuées d’oiseaux marins. 

pingouins craintifs, et tellement mignons

Arrivée à Port Pegasus

L’arrivée à Port Pegasus est un peu musclée : 

nous devons avancer contre 30 noeuds de vent établis, avec des rafales à 40 noeuds. 

Nous allons nous abriter sous le vent de la côte et tirons des bords sur mer plate sous 2 ris-trinquette.  

Nous rentrons dans Port Pegasus par le South Passage,  c’est grandiose!

Devant nous se détachent le Gog et le Magog, deux des sommets emblématiques de Port Pegasus, reconnaissables à leur cone granitique.

Puis le Smith Lookout avec ses dômes granitiques, dont le Bold Cone que nous essayerons de grimper

C’est vraiment spectaculaire, et je comprend pourquoi Loïc tenait tant à nous emmener ici!

Sylvan Cove

Notre premier mouillage à Port Pegasus , sera un bon abri pour les vents de Nord qui arrivent. Nous nous réveillons sous un temps maussade, gris, c’est la première journée de mauvais temps que nous avons depuis 10 jours et la seule que nous aurons en 3 semaines à Stewart Island.

Loïc envoie le drone explorer notre futur terrain de jeu : c’est druidique! Nous sommes entourés de falaises granitiques. 

Heureusement, malgré l’humidité, il ne fait pas froid :  17 degrés dehors, et 22 dans le carré, tout cela sans chauffage et sans soleil. 

Les enfants en profitent pour faire un peu plus de temps d’école, et se lancent dans leur grand puzzle de 1000 pièces de la Nouvelle-Zélande!

Billy’s Cove

Les petits matins sont frais, plus frais qu’au Patterson Inlet : à 9h il faitv 14°dehors…. et 16° dans le carré.

Nous sortons les chaussons, les grosses polaires et les bonnet ; heureusement,  une heure plus tard, il fait déjà 20° grâce au beau soleil.

Nous avons  changé de mouillage, tout en restant dans le « south arm », le bras sud de Port Pegasus, pour accéder au sentier du bal Cone. 

Notre plan c’est d’aller grimper ce dôme de granit. 

Le guide nous annonce 2h de marche pour l’aller

Mais le blog de SY-Sofia, un jeune couple de kiwi-danois, randonneurs expérimentés, qui ont passé plusieurs semaines à l’île Stewart (en 2012! ce qui est tout de même 15 ans plus récent comme information que notre guide de 1996….), nous donne plus de précisions : notamment sur la facilité à nous repérer. En effet, aucun des sentiers du sud de l’île Stewart n’est balisé ni entretenus par le DOC (Departement of Conservation).

Certains sentiers sont cependant  utilisés par les randonneurs séjournant dans les Hutt du Nord et du Sud de Pegasus, et par des chasseurs venus participer à la régulation des cerfs qui une espèce invasive.  (la Virginian White tail deer) 

1ère randonnée : le Bold Cone

Nous voilà partis pour notre première randonnée en mode « tramping », un terme dérivé de l’anglais victorien, qui aujourd’hui veut dire que l’on part pour une longue et/ou difficile marche. 

Nous partons en annexe au point de départ, qui se situe au fond d’un bras de rivière, mais faisons un détour par de petites chutes d’eau. 

Nous trouvons facilement le départ, car un groupe de kayakistes est parti un peu plus tôt ce matin. Nous les croiserons en chemin, ils logent à la South Pegasus Hunter’s Hutt,  qui se trouve à 2 NM de là, et se déplacent en Kayak : sportives les vacances!!! C’est un peu rassurant de ne pas être seuls sur cette première marche – car nous n’avons encore rencontré personne, ni croisé aucun voilier…

Après 10mn de marche dans la foret, nous voilà dans la lande!

Pour se repérer c’est facile : le Bold Cone sera toujours en vue  malgré quelques passages humides, ou d’autres en aveugle dans de la lande plus haute que nous

La plupart du temps, nous marchons dans la lande à hauteur de genou. 

Les paysages sont une belle récompense, et nous nous repérons assez bien sur les crêtes et dans la vallée grâce aux cairns laissés par les autres randonneurs.

Nous attaquons le socle granitique : le sommet n’est plus très loin!

là ça grimpe sec! Et bientôt, pour le sommet, il nous faudra des cordes. 

Récompense en haut, la vue, les formations géologiques, et un bon pique-nique. 

Coté sud, c’est la mer, le bras sud de POrt Pegasus, et l’océan!

Côté Nord, le bars nord du POrt Pegasus, les vastes plaines et sommets de granit (Gog et Magog)

Il est temps de redescendre, chacun son tour. La vue  sur le bras sud est magnifique pendant la descente.

Nous retrouvons ces étranges excavations rondes, qui fond des vasques ou des trous comme celui-là

 

nous voilà redescendus dans le petit val, au pied du Bold Cone. 

Nous retrouvons le chemin de lande : les cairns étaient réservés aux passages granitiques plein de cailloux. Dans la lande, le sentier est lui repéré par de furtifs rubans rose bien délavés….

Et que dire de toute cette mousse! Elle est partout, de toutes les couleurs et les formes.

Nous voilà de retour sur Saga, qui trône au pied du Bold Cone. 

Nous aurons mis 3h en tout pour faire l’aller-retour, pique-nique  compris!

Pour continuer l’exploration, un petit vol de drone pour le plaisir de repérer le site de notre randonnée,  et de l’immortaliser par quelques images. Je ne sais ce qui est le plus impressionnant : les bras d’eau et leurs méandres, ou les cônes granitiques.

Loïc en profite aussi pour aller en repérage de notre prochain mouillage : Disappointment Cove. 

Disappointment Cove

Nous y voilà avec Saga!

Nous sommes accueillis par une Otarie à Fourrure, qui saute de joie, pensant peut-être que nous sommes un bateau de pêche, se réjouissant sans doute de récupérer des poissons…. Elle va être déçue!

le matin est frais, très frais… 

avec à peine 13° dans le carré à 8h30….  Heureusement, le soleil ne vas pas tarder à réchauffer tout ça, et avec les 1025 hPa du baromètre, tout indique que nous soyons dans du beau temps anticyclonique!

derrière ce petit isthme, une plage océanique : ce qui rime avec otaries, lions de mer et peut-être des pingouins!

C’est parti!

Voilà la plage côté océan, qui abonde en laminaires!!

et quelques lions de mer : celui-là nous a un peu surpris, vautré dans les algues, on ne l’avait pas vu et sommes passés à seulement 5m de lui….

Qu’ils sont drôles ces gros mammifères ; on adore les observer, ils ressemblent à de gros chiens; comme celui-là qui se gratte!

Alors que nous regagnons la foret – sur le bon sentier cette fois, nous tombons, surpris, sur ce bébé otarie, avec son pelage gris clair. Nous sommes prudents, ma maman n’est peut-être pas très loin…

Alors que nous regagnons la foret – sur le bon sentier cette fois, nous tombons, surpris, sur ce bébé otarie, avec son pelage gris clair. Nous sommes prudents, ma maman n’est peut-être pas très loin…

Il a l’air seul, pas vraiment peureux, ni vraiment craintif. 

le sentier, très peu fréquenté traverse de la pure forêt primaire. 

Nous voilà de retour…

Sur Saga

Evening Cove

Pour valider ce prochain mouillage, et alors que nous sommes en route, Loïc lance le drone en amont de la cove :

Evening Cove dispose en effet de plusieurs bras, et les mouillages sont étroits.  Il s’agit de trouver le meilleur mouillage pour Saga, car nous allons y rester au moins 48h et partir pour une rando. Plusieurs options sont possibles :

– classique, le mouillage sur ancre,

– traditionnel pour Stewart : ancre + bouts à terre laissés par les pêcheurs,

– ou une autre solution : mouillage sur 2 ancres. 

Nous optons finalement pour le mouillage de Evening Cove Bras Est, qui nous permettra d’explorer la rivière.  

Et nous optons pour la formule avec les deux ancres, car nous ne sommes jamais complètement tranquilles avec les bouts laissés par les pêcheurs, adaptés à leurs bateaux, mais pas forcement pour le notre.

Nous voilà bien mouillés. 

Exploration de la rivière

Pour le moment, Loïc et moi partons en exploration de la rivière qui à marée haute est accessible sur près de 2NM 

Notre équipement pour la ballade, près de 5NM aller-retour en annexe : jumelles, sondeur pour checker les mouillages proches la rivière, VHF, et téléphone avec notre appli de cartographie Isailor. 

l’exploration est intéressante, en cette très belle fin de journée.  

Voilà la rivière-ria vue du ciel : 

de retour, Loïc continue son exploration aérienne. Après la Rivière, les Gog et Magog, et notre mouillage

c’est grandiose!! Et quand le soir tombe, pas un souffle d’air et le rivage se reflète dans l’eau

en des jeux graphiques

nous allons aussi repérer à marée basse les possibilités de pêche à pied. Pas d’ormeaux, mais des moules à profusion. Le repas du soir est tout trouvé : ce sera un curry rouge de moules, avec des poivrons à l’huile et du mais en boite, c’est une « cuisine du placard » parfaite étant donné nos provisions de frais qui s’amenuisent. 

Seconde randonnée

Côté rando, nous avons le choix : entre partir pour le Gog et le Magog (rando 2, la plus tentante), les deux sommets les plus importants de Pegasus, ou la version courte (rando 1) vers des dômes aux formations géologiques interressantes.

Après mûre reflexion, nous n’irons pas au Gog et Magog (Rando 2) : les blog des deux jeunes randonneurs du SV Sofia nous indiquent que le sentier est vraiment difficile à suive (sans traces, et très peu de cairns), ardu avec beaucoup de bush, à des hauteurs variables entre la taille et la tête, avec une piètre visibilité. 

Nous nous rabattons sur les domes granitiques qui nous semblent plus accessibles (rando 1) avec seulement 2h de marche( ce qui fait 4h aller-retour tout de même!). Sachant que tous les matins il y école sur Saga, nous ne partons qu’à 13h et laissons l’annexe mouillée devant-derrière en prévision de la marée. 

le départ est facile à trouver, mais avec des portions de bush peu aisées. Heureusement, de loin en loin, des cairns. En arrière plan, le Gog et le Magog!

 

Bien que nous ayons notre carte en main, nous peinons à trouver la route, malgré un grand ciel bleu. Nous abandonnons après 1h30 d’essais infructueux  et rentrons à l’annexe… en à peine 30 mn. Signe que nous avons perdu en tout une heure à chercher notre chemin…

C’est décevant, mais c’est ainsi. IL est important également de savoir renoncer au bon moment, sans se mettre dans le rouge ni en danger. Retrospectivement, nous avons bien fait de ne pas nous lancer dans l’expédition ver le Magog, qui aurait été pire en difficultés de repérage.

Et au retour, un nettoyage des chaussures s’impose, car nous avons beaucoup marché dans les marais boueux…

Loïc profite de ce ciel bleu majestueux pour prendre de nouvelles images de drone d’Evening Cove, décidément très photogénique. 

Port Pegasus Bras Nord : Pegasus Creek

Pour rejoindre le bras nord de Port Pegasus, nous prenons le Pegasus passage, 

un détroit entre l’île principale, et trois autre îles qui protègent Port Pegasus de la houle et du vent du large

Pegasus Creek est un mouillage est très intéressant car il donne accès à des vestiges d’un « settlement » de mineurs d’étain , d’une cascade, les Belltopper falls, et d’un sentier de randonnée vers le Tin Range. 

3ème randonnée : le Tin Range

Cette randonnée bien que longue (compter 7h aller-retour) nous semble cependant abordable (toujours d’après nos bloggers de  SVSofia)  avec un sentier assez bien balisé. 

le Tin range est un lieu historique : des mineurs y ont découvert à la fin des années 1880 un filon d’étain qui a donné lieu une ruée vers l’étain,  de très courte durée, deux années à peine, de 1888 à 1890, le temps de construire une couteuse ligne de tram à 500m au-dessus du niveau de la mer : le filon s’est finalement avéré  faible.

Ces sites ont été redécouverts en 2001 par une équipe d’archéologues et de volontaires, les sentiers remis en état pour les chasseurs et pour la centaine de personnes qui se lancent tous les ans à pied sur le Tin Range tramp – comme nous! Et à y accéder en bateau, comme nous, ils ne doivent être qu’une ou deux poignées….

Nous mouillons l’annexe au pied du départ de la marche et commençons par escalader des rochers très glissants d’algues. 

La première partie du sentier se fait dans la foret : c’est bien balisé, le sentier est curieusement très bien entretenu, avec des arbres coupés, des petits ponts faits de troncs d’arbres et un sentier bien net. 

Ce ne sont pas des traces humaines que nous croisons mais des traces d’animaux! Sans doute les cerfs  de Virginie. 

Ca y est, nous marchons sur l’ancienne ligne de tram! On reconnait bien les traverses en bois, et l’enrochement qui rend le terrain presque plat. 

Plus loin, un autre vestige ; un barrage, encore en très bon état et des reste d’un feu de camp, qui lui désigne plutôt des campeurs! 

nous remontons le lit d’un ruisseau asséché; Et nous voilà sur la crête. Avec une vue splendide sur Port Pegasus. 

Quelle satisfaction d’être arrivés là!

La vue est une très belle récompense. 

La redescente, est très belle et agréable, toujours à travers la lande et les ruisseaux. 

Un petite passage rapide à la cascade, assez belle en effet

et les vestiges du settlement dont il reste un vieux quai 

et des machines rouillées.

Voilà notre tout dernier mouillage à Port Pegasus, demain nous remontons vers le Patterson Inlet, profitant des vents de Sud prévus avant de remonter vers l’île du sud : Dunedin, puis Christchurch. 

Un dernier dîner de moules, en curry vert cette fois-ci, avec des petits pois lyophilisés et des courgettes : on se régale. 

Bye-Bye Port Pegasus. Difficile à chaud de dresser le bilan sur ce que nous venons de vivre : deux semaines et demies dans une nature sauvage, intacte, riche en beauté géologique, animale et végétale. Il existe finalement peu de lieux de ce type sur terre, aussi accessibles aux marins que nous sommes, où nous pouvons sans danger et en autonomie explorer des territoires sauvage. En effet, nous ne sommes qu’à 120 NM d’un grand port, à 30 NM d’une supérette, les mouillages sont très nombreux et de bonne tenue, les animaux dangereux ou gênants inexistants (l’île est même quasi exempte de moustiques et de sandflies contrairement à la Patagonie, l’Alaska ou la Norvège) et la nature intacte depuis des millénaires.