Lüderitz

Namibie / janvier 2024

Nous ne pensions pas nous arrêter en Namibie faute de temps car ayant quitté Capetown avec deux semaines de retard sur notre planning initial, pour des raisons techniques, notre but était d’arriver à temps au brésil pour la Carnaval de à Salvador de Bahia, mi-février.

Mais la météo nous a encore une fois joué des tours, et quand nous sommes enfin prêts à quitter CapeTown le 24 janvier, la météo s’avère peu optimale pour traverser l’Atlantique jusqu’à Sainte-Hélène : nous savons que le vent va nous lâcher dans les 48h, ce qui nous laisse tout juste le temps de nous échapper et de faire escale sur la cote, à Luderitz, en Namibie.

La plupart des voiliers de passage choisissent plutôt Walvis bay, un peu plus au nord, qui donne accès à des sites naturels impressionnants : les dunes du désert namibien, les colonies de Flamands roses et de pélicans de l’immense lagon, mais aussi la jolie ville coloniale de Swakopmund non loin de là, la Skeleton coast, et avec un peu plus de temps, la réserve d’Etosha.

Rien de tout cela à Luderitz, une petite ville enclavée dans le désert et les terrains miniers. Mais nous sommes finalement très contents de découvrir un nouveau pays avec une côte très particulière, et une petite ville minière et diamantifère complètement atypique.

Nous savons également en nous arrêtant que nous allons probablement faire une croix sur la carnaval de Salvador de Bahia, ne pouvant y arriver à temps… Qu’à cela ne tienne, nous allons changer complètement nos plans, et tenter de faire escale à l’île d’Ascension – qui nous intrigue beaucoup et requiert un permis -, puis Fernando de Noronha, petit bijou d’archipel brésilien. Toutes ces escales devraient rythmer agréablement notre traversée de l’Atlantique Sud.

Première surprise, alors que nous longeons les côtes, à la frontière entre l’Afrique du Sud et la Namibie, tout près d’Orangemund, une demi-douzaine de bateaux à l’AIS, dont le DEBMAR Pacific. Comme son nom l’indique, c’est un navire minier de la multinationale De Beers, qui a longtemps détenu un un monopole mondiale sur l’exploitation et la distribution du diamant. 

le DEBMAR ressemble à ce navire, que nous verrons plus tard dans la rade de Luderitz.

Toute la cote est interdite d’accès, depuis la frontière, et jusqu’au nord de Luderitz où nous allons nous arrêter, car se situant sur des concessions minières, aussi bien en mer qu’à terre. Un gisement énorme de petits diamants, mais très nombreux, qui s’exploite presque exclusivement en mer, par 100 à 150m de fond 

La côte qui suit est aride, sèche, désertique, comme ici avec ce village minier abandonné d’Elisabeth bay, au sud de Luderitz, qui se trouve sur la réserve naturelle du Spergebiet (en allemand, veut dire simplement zone interdite). 

Elle est curieusement l’habitat d’une très grande quantité d’otaries, et de nombreux autres animaux marins : albatros, baleines, orques etc… comme nous en serons témoins en arrivant

Arrivée à Lüderitz

Nous arrivons à Luderitz par un beau soleil sans vent, ce qui est très inhabituel pour la région, qui est soit sous le soleil mais battue par des vents très forts, soit noyée dans le brouillard.

Nos premiers pas à terre se passent en formalités, comme d’habitude, une manière de découvrir le pays et d’en prendre le pouls. D’abord la clearance, grâce à l’aide de Andy, qui se charge d’accueillir les navires de passage et de leur allouer des bouées de mouillage-avec les vents très forts, régulièrement 40 noeuds, il est préférable de prendre les bouées que de mouiller plus au large – ce qui nous permettra aussi d’être tout proche du village, pratique pour nos aller-retours.

Comme les formalités trainent en longueur, qu’il est bavard, et nous curieux,  nous en apprenons beaucoup sur la région : ancien pêcheur et mineur de diamant en mer, il connait tout et tout le monde comme sa poche. Andy nous emmène à l’immigration : nous sommes un dimanche, mais pour une modique somme supplémentaire, le bureau va ouvrir pour nous, ce qui nous permettra de gagner 24h. 

Ensuite, nous irons au bureau du port, pour effectuer les formalités de douane : un beau et grand bureau qui surplombe le port, très actif, entre bateaux de pêche à la langouste, bateaux miniers, paquebots de passage, cargos transporteurs de minerai…. En trois jours, nous assistons à un vrai ballet pour une si petite ville de quelques 12 000 habitants seulement, finalement assez isolée, car le prochain village est à … 300Km de là!

Nous faisons une rapide ballade en ville, dont seulement quelques rues sont goudronnées – les autres rues sont en sable! C’est l’occasion de découvrir l’ architecture de style colonial et art nouveau, avec des couleurs pastel, de la ville la plus ancienne d’Afrique du sud-ouest : elle fut fondée en 1886 par des commerçants allemands qui avaient en tête de faire de l’élevage.

Finalement, c’est du diamant qui fut découvert, en 1907, sur un territoire grand comme la Belgique fut sécurisé et interdit au public, entre la frontière avec l’Afrique du sud et le port de Luderitz : aujourd’hui la réserve du Sperrgebiet.

Nous trouvons un restaurant sympa pour déjeuner : the Portuguese fisherman, et on se régale de poissons et fruits de mer. Les portugais furent en effet les premiers, avant les allemands, à s’intéresser à la région, riche en poisson ; je ne sais pas s’il en reste une petite communauté, mais je sais que Luderitz accueille le géant mondial d’origine galicienne Pescanova : la ville vit en effet à moitié de la pêche, à moitié du diamant!

Loïc envoie le drone, pour découvrir la ville d’en haut : elle est vraiment enclavée dans le désert!

Nous redescendons à terre en fin de journée nous dégourdir les jambes dans les rues désertes du dimanche après-midi, et découvrir depuis les hauteurs, les vieilles maisons coloniales, de style coloré mais un peu austère.

Départ en road trip

Le lendemain, c’est lundi : Loïc nous a trouvé une voiture de location pour la journée. Nous partons à la découverte des environs :

Lüderitz speed challenge

Nous commençons par nous diriger vers la péninsule de Dias, et  nous arrêtons sur le lieu de la base de vitesse de Luderitz, le Luderitzspeedchallenge,  qui s’ouvre tous les ans à partir d’octobre aux coureurs qui ambitionnent de battre les records de vitesse sur l’eau, en planche à voile, kitesurf ou autre : des années que nous en avons entendu parler, notamment avec Antoine Albeau, windsurfer à la longévité exceptionnelle et encore détenteur du record de vitesse sur 500m en planche à voile , qu’il a battu à Lüderit en 2015 avec  53,27 noeuds, soit presque 100 KM/H. !!!. 

le site n’est franchement pas si impressionnant; on se rend compte qu’il doit être creusé tous les ans dans la lagune, pour former un canal, consolidé par des sable qui forme une digue. En plus, nous sommes à marée basse, on imagine qu’à marée haute tout cela se remplit!

Dias Peninsula

Au nord de la péninsule, la phare de Dias, du nom de ce grand navigateur portugais, Bartolomeo Dias, premier européen à avoir contourné la corne sud de l’Afrique, en 1488, ouvrant la voie vers l’Asie et la route des épices.
Une croix blanche a été dressée en son hommage, sur cette baie ou il fut forcé de se mettre à l’abri. La vue est belle, mais le paysage désertique et un peu austère.

Shark Island

De retour en ville par la Péninsule de Shark Island, au petit phare si photogénique, habillé comme dans les pays nordiques de rouge et blanc.

Le site a une histoire tragique : les allemands qui décidèrent de s’installer ici au 17ème siècle pour cultiver leur bétail se virent faire face à une population locale rebelle, qui refusait qu’ils déportèrent et exterminèrent dans des camps , sur cette même île devenue péninsule, au début du 20ème siècle : pas loin de 20 000 personnes furent tuées par les colons allemands. Le site est aujourd’hui devenu un camping, pour les vacanciers. Drôle de destinée.

Dunes du naukluf Park

Puis nous faisons un crochet au nord de Luderitz via un des points d’eau qui nous est autorisé. En effet, la ville est enclavée : bordée par le désert de Namibie au nord avec des centaines de kilomètres de dunes et aucune route, et au sud par la concession diamantaire interdite d’accès qui court jusqu’à la frontière sud-africaine.

Appelée réserve naturelle de Sperrgebiet, il s’agit en fait d’une joint venture récente entre le gouvernement namibien et la société De Beers qui a détenu le monopole mondial du diamant pendant toute la seconde moitié du 20ème siècle, achetant toutes les mines et tous les diamants du monde, pour contrôler les prix : seulement 5% de la zone est minière, mais tout accès y est interdit, avec des barbelés, pour mieux la contrôler.

Quand aux flamands roses, nous ne les apercevrons que de loin, à travers les barbelés.

Le soir, nous visionnerons en famille le documentaire « Rien ne dure pour toujours » (« Nothing lasts forever », du réalisateur Jason Kohn.) Il est visible sur la plate-forme de la RTBFD et raconte avec brio comment les diamants « synthétiques » (fabriqués en usine) concurrencent les diamants « naturels » issus de mines, bouleversant les équilibres d’un marché monopolistique construit par De Beers depuis des décennies.

Les personnages interviewés sont hauts en couleur, et très variés, de la designeuse de bijoux, au courtier qui fixe les prix, en passant par le scientifique chargé du contrôle, ou de l’industriel du diamant synthétique. Passionnant vraiment, en particulier lorsqu’est expliquée la construction marketing du marché du diamant aux Etats-Unis : à voir absolument!

Village minier abandonné de Kolmanskop

Puis prenons la route qui dessert l’intérieur des terres, en direction de Kolmanskop, l’attraction touristique la plus connue de la zone : un ancien village minier autrefois prospère, fondé en 1908, qui connut son apogée en 1920 , puis abandonné dans les années 60, notamment par De Beers qui déménagea ses bureaux à Orangemund, à la frontière sud-africaine.


On peut y voir l’ancienne école, le théâtre, l’hôpital – le premier en Afrique à avoir été équipé d’un rayon X-pas pour les fractures, mais pour vérifier que les mineurs n’avaient pas caché ou ingéré de diamants…

Malheureusement, nous arrivons trop tard, le village ne se visite que le matin.

Aéroport de Lüderitz

Nous en profitons pour faire un crochet par le petit aéroport : que de sable!

parés pour le départ

Notre escale s’achève, après 72h d’escale : le vent est enfin revenu, nous allons pouvoir nous échaper en direction de Sainte-Hélène.

Nous quittons un peu à regrets ce petit pays si intéressant : il est un des rares pays d’Afrique à bénéficier de stabilité politique, d’équilibre social et d’une économie en croissance. Le peuple semble bénéficier équitablement des richesses du pays qu’elles soient minérales (outre le diamant, le sol regorge d’uranium et autres métaux rares), ou halieuthiques, ou touristiques. Les prestations sociales sont là : la santé et l’éducation sont gratuites, les infrastructures de qualité.

C’est aussi un pays sécure, sans violence, contrairement à ses voisins du Botswana ou d’Afrique du sud, que nous mettons sur la liste des pays à revenir visiter par la terre.