Pentecôte : le saut du gol

mai 2023

Pentecôte

Au Nord d’Embrym, c’est Pentecôte, l’île du Vanuatu la plus célèbre de nom peut-être. Tanna est connue pour son volcan, là où Pencôte tient sa renommée pour le saut du Gol : un art et une pratique ancestrale de bungee-jumping avant l’heure .

Tous les ans à la même époque, entre avril et juin, certains villageois célèbrent la nouvelle récolte du taro-ce légume racine qui assure la base de l’alimentation- par cet évènement-spectacle .

 Une tour en bois d’une vingtaine de mètre environs est fabriquée – ou reprise de l’année précédente et consolidée. Des plate-formes individuelles vont être installées à différentes hauteurs : ici 10 plate-formes pour 10 sauteurs, et depuis lesquelles les jeunes hommes vont s’élancer dans le vide.

A leur chevilles sont attachées des lianes tressées,  qui les retiendront jusqu’au sol.

Comme nous allons l’apprendre, c’est en fait un art très technique et ultra-précis.

Nous sommes chaleureusement accueillis sur la plage par les habitants du village de la côte. C’est leur troisième et dernier évènement de la saison, organisé pour des groupes comme le notre : rallye, bateau de croisière, groupe de l’office du tourisme…; Dans un autre village, des sauts ont lieu tous les samedis.

On nous remet des colliers de fleurs et de feuilles. Ceux-ci sont très beaux avec leurs feuilles jaunes tigrées, roulées en gros cylindres.

La veille du saut

La veille du saut, nous sommes invités par la « chef » de la cérémonie, Eleen. C’est autrefois son père Luke, décédé il y a moins de deux ans, qui officiait, mais il est décédé l’an passé. Elle a repris le flambeau, mieux que ses frères car elle parle bien anglais et gère l’organisation de l’évènement de main de maitre.

Les hommes ont droit à la visite du site du saut, qui est tabou (interdit) aux femmes la veille des sauts, par superstition. Les constructeurs qui passent 2 semaines à construire les plate-formes desquelles les jeunes hommes vont sauter, n’ont pas le droit de croiser ou de voir des femmes. Un peu comme un carême.

 Pendant ce temps, nous ne perdrons pas au change car les femmes nous ont préparé une dégustation de plats locaux, en particulier le « laplap », plat national du Vanuatu, et base de l’alimentation : un  mélange farine de taro ou de yam au lait de coco, le tout est cuit dans des feuilles de taro, puis coupé en morceaux rectangulaire et assaisonné de sauce au poulet, poisson etc….

il y a aussi l’équivalent sucré, plus cuit et plus ferme. Et des quartiers de pamplemousse fort rafraichissants vu la chaleur.

Nous sommes abreuvées d’explications détaillées sur le saut du Gol  par notre hôtesse

A côté, des hommes préparent le kava. Au Vanuatu, seuls les hommes boivent du kava, contrairement à Fiji où la pratique est mixte.

Nous les regardons broyer puis piler le kava,  (cette racine de poivrier aux vertus myorelaxantes) dont la poudre sera mélangée à de l’eau pour faire la boisson.

Nous sommes sur les hauteurs, un petit hameau où vit Eleen et sa famille, puis redescendons sur la plage, en passant par ce curieux site : c’est la future route, qui doit faire le tour de l’île et relier les villages entre aux. Elle est financée par les chinois qui très présents au Vanuatu, avec des velléités de mainmise sur les terres et le pays .

Bye-bye et à demain tout le monde pour le spectacle.

Jour J : le saut du Gol

Nous montons les marches et escaliers en rondins, jusqu’au bas de la tour

la voilà!

et nous sommes nombreux.

Plus tard, les villageois viennent étoffer les rangs

Les premiers à monter vers la tour sont ceux qui vont ameublir la terre sur laquelle les jeunes vont se réceptionner .

Puis les danseurs.

Les jeunes vont s’élancer des plate-formes ( une dizaine en tout) étagées régulièrement sur la tour, de la moins haute à 3-4m, à la plus haute à plus de 20m. 10 hommes vont se succéder et sauter, du plus bas – les novices – au plus haut – les hommes expérimentés. Le saut n’est pas un rite initiatique, il n’est pas imposé, seuls les volontaires y vont un jour! Mais l’aura qui en résulte est indéniable : c’est l’occasion pour les jeunes hommes fort de parader devant les femmes et un public enflammé!

    Plusieurs hommes commencent par ameublir la terre, la remuer, enlever les cailloux, c’est là que les hommes atterriront.

    Et voilà les sauts : chacun leur tour, hommes montent dans la tour, puis on leur nous autour de la cheville les lianes, qui sont naturellement élastiques car elles poussent en tire-bouchon. Il n’y a qu’à cette époque de l’année qu’elles sont souples et bien verts comme là, d’où la saisonnalité de l’évènement qui ne pourrait pas avoir lieu à une autre période de l’année : les lianes seraient trop sèches et cassables, ou trop humides.

    Avant de toucher le sol et pour amortir son saut, on entend un craquement, c’est celui de la plate-forme qui a été pré-sciée pour casser au bon moment et servir d’amorti supplémentaire, puis la liane se tend.

    Retour sur les différentes phases du saut :

    • l’homme est en haut de sa plate-forme, il chante et gesticule, avec un bouquet de terminaison de liane à la main, il est encouragé par la foule;
    • Quand il lance ces feuilles, il est prêt à sauter.
    • le saut en lui-même
    • la réception, sur la pente ameublie de terre

    Personne ne se fera mal, et les accidents sont rarissimes car les tours sont construites par des professionnel, tout comme le choix des lianes, leur élasticité, longueur et résistance, chacune calculée par rapport à ma hauteur du saut et à la morphologie de l’homme.

    Pour en savoir plus sur la technique, ce formidable article publié en 1971, fort précis et détaillé avec force schémas.

    https://www.persee.fr/doc/jso_0300-953x_1971_num_27_32_2331

    Puis c’est le retour au bateau par un temps maussade.

    Merci à tout le village pour son accueil!  Nous avons tous été très marqués par ce spactacle-cérémonie.

    Nous quittons Pentecôte pour Espiritu Santo, une grande île un peu plus touristique que autres autres grâce à ses très belles plages, ses trous bleus, ses fonds marins…