San Blas

février 2022

Cayo Hollandes

Cayo Hollandes, situé au nord de l’archipel est l’un des mouillages plus faciles d’accès en venant du large, et un des plus francs. Cependant, un récif non cartographié se situe en plein milieu du mouillage :  l’un de nos voisins de mouillage l’apprendra à ses dépends en arrivant de nuit et voulant se mouillant justement là : son safran va toucher!

Nous connaissons un peu les San Blas pour y avoir fait une croisière de deux semaines en  novembre 2014 sur Crazy Louise, l’Outremer 51 de mon cousin Laurent. Racheté par Vincent et Fabienne, il s’appelle désormais depuis Crazy Flavour, et fait partie du GLYWO. Vincent se félicite d’ailleurs d’avoir conservé toute les traces de Laurent aux San Blas, qui lui facilite bien la vie!

Sur ce voyage, nous avons préféré privilégier les Roques où nous avons passé près de 3 semaines, et ne ferons que passer aux San Blas. Nous ne sommes pas là en mode exploration, car avec un seul moteur, nous sommes diminués dans nos capacités de manoeuvre, et nous ne voulons pas prendre de risque dans cet archipel qui est un vrai dédale d’ilots, de passes, et de patates, où il vaut mieux naviguer à vue et soleil haut dans le ciel . 

Notre objectif est de nous reposer après quelques journées de navigation intenses et engageantes au large du Vénézuela et de la Colombie, et avant le transit du canal, et la sortie de l’eau de Saga, rendue inévitable pour remplacer le joint de sail drive endommagé par un fil de pêche .

Egalement, nos amis du catamaran Vitia, aussi handicapés que nous avec également un seul moteur opérant, recoivent un couple d’amis du Panama à leur bord, Charlie et Sarah, avec leurs enfants de l’âge des nôtres. Nous allons coller à leur programme pendant cette semaine, pour offrir à nos enfants une ambiance « bande de copains ».

Vitali (9 ans), Arthur (13 ans), Anna ( 10 ans), Nora (12 ans) et Augustin ( 7 ans) vont former une joyeuse troupe. Ces moment entre enfants de bateau sont précieux et nous avons à coeur de les favoriser dès que cela est  possible.  Les préparatifs du transit du Canal de Panama et la traversée du Pacifique dans quelques semaines seront des moments plus calmes, moins propice aux rencontres.

Une heure à peine après avoir posé l’ancre, nous avons la visite des indiens Kunas. Très amicaux, ils sont tout de même là pour faire du négoce. En particulier Venancia, spécialiste des Molas, ces tissus colorés brodés de multiples couches de tissus, qui  nous montre ses créations. Je me souviens déjà l’avoir croisé il y a 8 ans. 

Et cet après-midi-là, nous n’avions qu’une envie, c’est d’aller nous réfugier dans notre cabine pour une bonne sieste réparatrice après 3 jours de mer fatigants. Mais nous ne couperons pas à l’achat de quelques “Molas”. Nous sommes restés plus d’une heure avec Venancio à discuter avec lui et choisir des « molas ». Car il est important de contribuer à la subsistance de ce peuple, qui a choisi de ne pas accueillir de développement touristique à l’occidentale, et de tisser du lien. e territoire Kuna fait partie du Panama mais bénéficie d’une relative autonomie. Leurs instances politiques ont d’ailleurs décidé qu’aucune route ne transite par leur territoire pour relier Panama à la Colombie. C’est un fait peu connu, mais on ne peut rallier par la route le Panama à la Colombie :  une jungle inextricable, le Darién, en bloque le passage,  et qui est dangereuse à tout point de vie (animaux mais aussi brigandage). Nombreux encore sont les backpackers ignorant cet état de fait qui se retrouvent bloqués d’un côté ou de l’autre de cette bande de terre inhospitalière, encore plus s’ils voyagent en moto ou vélo. Il faut dire que pour  nous occidentaux, il est incongru qu’on ne puisse passer d’un Etat à l’autre par la route. 

Les indiens Kunas gèrent donc leur territoire à leur envie et vivent encre beaucoup de manière traditionnelle. Ici pas un seul complexe hôtelier, pas de route non plus, les villages, répartis le long de la côte, sont accessibles par pirogue. Et les iles, au large, exploitées de manière saisonnière, pour la pêche, ; La surpèche y est d’ailleurs inquiétante tant la faune est peu abondante aux abords des iles; nous observerons une grande pauvreté des variétés de de poissons coralliens, qui sont aussi de très petite taille. Nous ne verrons que de très  rares gros poissons comme des carangues, des balistes ou des barracudas. 

Nous estimons éthique de participer à leur subsistance et achetons donc des molas à Venancio, un objet artisanal à une famille, des bracelets à une autre, des fruits à un quatrième bateau venu nous solliciter.

Nous organiserons également 3 soirées BBQ sur la plage avec différentes formules : la première où nous apportons notre poisson et ce sont les iliens qui nous le cuisinent avec des accompagnements, la seconde où nous achetons des langoustes aux iliens/pêcheurs et cuiront nos langoustes nous-même sur leur plage et la troisième, un peu hybride des deux. 

Nous retrouvons avec plaisir nos amis des 5X Vitia, Wildling, POMII avec qui nous étions aux Roques, et de Biotrek qui est venu directement depuis la Martinique. Pierre et Lisa font des vidéos très sympas sur leur chaine Youtube. 

Le lendemain matin, c’est une autre famille Kuna, qui elle vit sur l’îlot en face, qui vient nous voir.  Ernesto l’occupe en ce moment avec ses 6 enfants et sa femme, car ce sont les vacances scolaires. En dehors de cette période, ils vivent au village, et Ernesto commute.  

Nous lui achetons des bracelets que sa femme vient poser sur les poignets d’Arthur et Anna. Il s’agit en fait d’un très long fil de perles, qui s’enroule ensuite autour du bras formant des motifs géométriques. 

Nous leur troquons également des bananes qui poussent sur l’ile, tout comme des papayers, et des avocatiers – mais ce n’est visiblement pas la saison. 

Comme Anna nous a fait des crêpes ce matin, etqu’il en reste, j’en propose à toute la famille et ils ont l’air de se régaler.  

Et puisque le bilig est sorti, je prépare aussi de la pâte à crêpe blé noir pour des crêpes salées le midi. On se régale, même si le billig par 33°, ça chauffe un peu trop l’atmosphère. 

Après une bonne heure d’exploration du plan d’eau en wingfoil le matin, je vais un peu plus tard dans la journée faire une ballade en paddle. 

Je tombe sur toute une famille de suédois avec 4 enfants partis surfer une petite vague de sable à 100 mètres de notre mouillage : il y a un peu de marnage et aux bonne heure, un tout petit swell ; je me régale avec eux sur mon sup gonflable, pourtant peu adapté.

Le lendemain, je convainc les enfants de venir avec moi, mais les vagues sont moins belles et le surf compliqué, sauf en stand-up.

Nous passons tout de même de bons moments dans l’eau. 

Le Sup est de sortie ce qui permet aux enfants d’être autonomes dans leurs déplacements : là, ils vont sur Biotrek rendre visite à Tiller, la chienne de Pierre et Lisa, car ils ont fabriqué un jouet pour elle, avec une balle de tennis et de vieux t-shirts. 

Nous sommes conviés ce soir un à un BBQ sur la plage, organisé pour toute la bande de bateaux copains du GLYWO : à part nos amis des 5X, il y a aussi Inky Blue, 2Canoes, Lolly, Fou de Bassan…

Les enfants trépignent d’impatience, car ils rêvent d’un feu de camp depuis des semaines : nous n’avons pas encore eu l’occasion d’en faire depuis notre départ d’Europe il y a 6 mois. Interdits aux Roques, pour cause de parc national, nous avions de grandes espérances ici aux San Blas, où les indiens Kunas eux-même font souvent des feux, pour cuisiner notamment. 

Alors ce soir, pour Vitali, Arthur et Anna, c’est la fête!!

Notre hôte fait particulièrement bien les choses  : il a disposé des tables en bois sur la plage, et propose de cuisiner pour nous les poissons que nous lui confierons, il se chargera de les cuire et de préparer des accompagnements.

Charge à nous d’apporter les boissons et nos couverts. Nous passons un excellent moment, la nourriture est délicieuse et il faut le souligner car les compétences gastronomiques ne font habituellement pas partie des qualités de Kunas. Mais notre ami  a travaillé longtemps en Polynésie sur des bateaux de croisière, alors la cuisine à l’occidentale, il connait. Tous est fin et savoureux : poisson en daube, riz à la coco, gratin de banane plantain, salade de papaye verte émincé, pommes de terre au four….

Le lendemain, nous sommes conviés à une visite du « village »  avec Ernesto : il a pour projet de construire un abri pour backpackers en hamac : de simples piliers de bois, et un toit, pour protéger de la pluie.

Il souhaite aussi construire quelques bungalows sur pilotis et une sorte de restaurant pied dans l’eau également. Pour cela, il va défricher une grande partie de l’herbier devant l’ilot. 

J’évoque le fait que l’herbier est une nurserie pour poissons, et qu’il faut faire attention de le préserver. Je sens bien que mon propos dérange :  et qui suis-je pour donner des leçons de préservation de l’environnement à un homme qui a pour ambition le développement de son île? Il copie en cela les modèles occidentaux qu’il a côtoyés. 

En attendant, il défriche, 

et plante 

la banane, la coco, la papaye…

Et rend son domaine accueillant

A ma demande, il me fait visiter ses cuisines et ses deux fourneaux : 

l’occidental, au gaz

et le Kuna, traditionnel au feu de bois! C’est là qu’il a cuisiné pour nous hier.

Là aussi qu’il cuisine les pains coco qu’il vend aux bateaux tous les matins. L’eau est une ressource précieuse chez les Kunas, rare sont les îles disoposant d’un puit, et l’eau en est saumâtre. Alors, pour la cuisson du riz comme du pain, on utilise de l’eau de coco.

Le lendemain, c’est l’anniversaire d’Arthur, 13 ans!

Saga abrite officiellement un teenager à bord. Il a choisi avec sa soeur le dessert qu’elle allait confectionner pour lui : un Paris-Brest, dessert ambitieux avec pâte à choux et crème pralinée faite maison. Une première pour Anna qui s’en sort plutôt bien. 

la preuve : Arthur se régale!!

Cayo Verde

Puis nous changeons de mouillage pour rejoindre Vitia et leurs amis. Et ce soir, c’est Saga qui organise le feu, pour l’anniversaire d’Arthur. 

Le site est très sauvage, et calme, une ode à la sérénité. Les pélicans vont et viennent, faisant des petits ilots tout proches leurs bases arrière. 

A quelques encablure de Saga, cet îlot tout mignon. On aperçoit dans la brume la foret et le continent.

Nous sommes à Cayo verde, une ile assez proche de la terre pour que les pirogues viennent depuis le continent à la journée, à la rame, ou à la voile, comme ce pêcheur. 

C’est en lancha que sont arrivés ce midi les amis de Maxime et Dorothée. Les enfants font rapidement connaissance et passeront l’après-midi à jouer avec les paddle sur le banc de sable. 

Avec les kunas de l’île, 3 jeunes qui pêchent, nous négocions  : nous leur achetons des langoustes en échange de quoi ils nous laissent faire notre feu ce soir sur leur île. 

J’apporte une fougasse pour l’apéro, une salade pour l’accompagnement; Dorothée  a préparé des pomme de terre dans de l’alu avec un beurre d’estragon. 

Encore une fois, nous passons une merveilleuse soirée à deviser tout en cuisinant comme les kunas, sur les braises .

Charlie, leur ami, un enfant des îles, ayant grandi à St-Barth est décidément le roi du feu de bois et nous organise un BBQ parfait malgré la simplicité des lieux. Nous sommes assis sur des troncs d’arbres et cuisinons avec une tout petite grille et pas d’ustensiles!

Arthur se souviendra de cette belle journée d’anniversaire : un dessert de pâtisserie, une veillée autour du feu, un BBQ et des jeux avec les copains tout l’après-midi : c’est pas ça le bonheur?!

Le lendemain, pendant que Loïc va coacher Maxime et Dorothée sur Vitia pour effectuer le check-up de leur gréement, les enfants passent un second après-midi tous ensemble : ils vont d’un bateau à l’autre, 

faire des jeux de société,

se posent sur le banc de sable pour jouer, rament, se racontent des histoires,  font des plongeons…

c’est le radeau de la méduse ce paddle!

C’est aussi un moyen de transport efficace. Nous avons appris à ramer aux enfants : car, savoir bien ramer ça s’apprend. C’est un geste simple mais technique, indispensable si l’ont veut être efficace et en sécurité, en particulier si le vent se lève, pour ramer contre le vent ou ramer longtemps, sans se fatiguer. 

Cet après midi, la pause-gouter c’est sur Saga : il nous reste encore plein d’oeufs, alors nous faisons des crêpes (presque) tous les jours. Crêpes bretonnes au bilig, sauce caramel au beurre salé. 

La cambuse du bord commence par contre à être tristounette côté fruits et légumes frais. Le dernier approvisionnement de frais remonte à 2 semaines aux Roques et était limité . 

Heureusement le bateau-épicerie vient proposer ses services, et il est plutôt bien achalandé. 

Nous sommes en mode « autonomie », à tout faire nous-même.  Le pain bien sûr, tous les jours ou presque, mais aussi les crêpes, les gâteaux ou biscuits. Aussi, j’ai ressorti il y a quelques semaines ma yaourtière. Il s’agit d’un modèle astucieux et tout simple, à l’eau, sans électricité. J’en parlerai dans un prochain post sur l’autonomie alimentaire à bord. 

En attendant, voilà mes achats du jour : 

DE RETOUR À CAYO HOLLANDES

Puis nous nous rendons sur un autre ilot des Cayo Hollandes, le plus occidental, réputé pour son snorkeling. En effet, les coraux sont assez jolis, malgré le manque de visibilité et le peu de soleil. 

Le tombant est très beau et fait le régal de mes apnéistes, Loïc et Arthur.

Et côté faune, nous voilà face à une très belle raie léopard. 

Plus tard en journée les enfants font des concours de saut et se mettent en scène de manière assez drôle . 

Nous sommes encore et toujours entourés de pélicans, signe que la nourriture est abondante pour eux, un bon signe pour la biodiversité. 

le soleil se couche sur une encore très belle journée. 

A terre, nous faisons la connaissance de Mowgly, singe-araignée de compagnie, fort sympathique. Ce mâle vit sur cette ile en liberté avec son maître, des poules, un chat et un chien. 

Il dispose d’une case très fonctionnelle, érigée avec des amis de bateau de passage, des français. La cuisine est en bas, et la chambre à l’étage. C’est ce que nous avons de plus sophistiqué en terme d’habitat, les cases kunas étant assez rudimentaires. 

L’île est équipée d’un puit sommaire d’eau saumatre. Le site est plutôt coquet et très bien entretenu. 

Le singe amuse les enfants, tant par son comportement, curieux, joueur, sociable, que par son mode de déplacement, tout en agilité avec sa grande queue dont il se sert comme d’un membre à part entière. 

Il fait montre d’une  grande curiosité pour notre annexe. 

Tout dans ses attitudes montrent une étonnante apparence humaine avec ses membres déliés, si fins, sa stature verticale, son « sourire », sa recherche de « calins » et de contact physique. 

On ne se lasse pas de l’observer. 

Attention, sous couvert de câlins, il est un peu coquin et a tendance à mordre…. et à être une peu trop « attachant ». 

Nous dinons encore une fois fois à terre : BBQ au feu de bois, nous sommes  commençons à être rodés!

Les enfants préparent le feu avec Charlie : ils vont ramasser des palmes de coco en prévision de la soirée. 

Pendant ce temps, Loïc, Sarah et moi partons faire le tour de l’ilot à pied. Cela fait longtemps que nous n’avons pas marché, et cela fait un bien fou. 

Nous découvrons un petit port naturel. 

On voit le travail dévastateur de l’érosion qui gagne ces îles, qui perdent tous les ans un peu de surface. 

Une autre famille habite un peu plus loin, avec de très nombreux enfants. J’en compte 7 ou 8. 

Elle semble cultiver des Noni, comme aux Marquises et aux Tuamotu. C’est une plante aux fruit forts prisés de l’industrie pharmaceutique et cosmétique américaine. Elle pousse particulièrement bien dans les endroits pauvres et sablonneux comme les atolls et offre une source de revenus intéressante aux populations, plus rémunératrice que le coprah. 

A notre retour,nous trouvons les enfants perchés sur un cocotier

 le feu est en route

C’était notre dernière soirée aux San Blas, après une semaine très reposante.

Nous avons été conquis par l’atmosphère de paix et de tranquillité de ces îles, sa population douce et accueillante. A ceux qui voudraient se désintoxiquer de la vie trépidante de nos cités occidentales, je conseillerais de venir passer quelques temps dans ces îles inspirantes..

Nous appareillons le lendemain pour Shelter Bay, ou nous avons pour mission sortir Saga de l’eau. La mer est agitée, ce qui contraste avec le calme des eaux protégées des San Blas. L’avantage c’est que nous sommes rapides : ayant 80 NM à parcourir, nous avons fait le choix d’appareiller tôt le matin à 6h, et arrivons à 14h devant les brises-lames de la baie de Colón, à l’entrée du Canal. .